urbirun BIKE (français) / 15/02/2024
urbirun BIKE / 15/02/2024
Berne-Berlin, 1000km en gravel
Pourquoi je suis rentré en train après 1’000km à travers l’histoire tourmentée du XXème siècle, où j’ai aussi découvert qu’il est plus facile d’acheter des clopes que de trouver de l’eau…
(si l’itinéraire et les étapes t’intéressent, c’est par là : Bern Berlin gravel1000 collection komoot)
Galerie photo en fin d’article / et une vidéo de ce que j’ai eu devant moi chaque 10km, sans aucune tricherie, donc en 104 secondes, c’est ici
__________
** mon instabike : @urbirunbike **
__________
Pour d’autres présentations de parcours, de biketrips, ou d’autre articles « bike »
Parce que je ne sais pas encore démonter le vélo pour le mettre dans l’avion… voilà pourquoi j’ai joué sur Google Earth cet automne, pour partir à 1’000km de chez moi, mais pouvoir rentrer en train…
Il s’est avéré que Berlin était une candidate intéressante, depuis Berne… car je connais déjà bien l’itinéraire entre la maison et la capitale suisse, et parce que Bern-Berlin, BerBer, ça sonnait pas mal et ça faisait presque pile les 1’000km recherchés…
Un samedi matin, je monte donc dans le train direction le Palais fédéral, depuis lequel j’allais rejoindre le Reichstag en 7 étapes, en mode léger, nuits à l’hôtel, ravito en chemin.
Et c’était parti, dans la grisaille, avec ce petit vertige délicieux face à 1000km de chemins inconnus, de routes à découvrir, de sentiers à explorer, où chaque virage offrira une nouvelle perspective, un nouveau paysage.
Etape 1 – Bern-Klettgau/Erzingen 140km / +807m
La première étape me mène à travers la moitié de la Suisse, jusqu’à franchir le Rhin à Bad Zurzach et me poser en Allemagne à Klettgau, après 140km, et juste avant la pluie. En chemin, je passe par le charmant village de Wangen an der Aare, je découvre la vieille ville d’Olten et son vieux pont de bois, et longe les rives de l’Aar, pour une agréable mise en bouche, alternant forêts et campagnes.
Etape 2 – Erzingen-Berg 156km / +1’691m
Le lendemain, je démarre dans un brouillard si épais que je ne sais presque pas si j’avance ou si je recule. Heureusement, je me retrouve rapidement en forêt, ce qui allège cette sensation oppressante. Petit passage près des Chutes du Rhin, que j’entends mais ne vois pas du tout, pour un bref retour en Suisse, à travers le canton de Schaffhouse.
Une fois la frontière allemande à nouveau franchie, le brouillard se lève, et j’avance à travers champs sur de très agréables chemins de gravier. Quelques montées un peu piquantes me mènent jusqu’à la petite ville de Engen, où je me ravitaille dans une boulangerie.
Je pique-nique au soleil, contre la chaleur d’une cabane de chasse, au milieu d’une forêt de hauts sapins longilignes. Le reste de la journée je pédale au soleil, en passant de champs en forêts, de chemins gravel à de petites routes de campagne, ce qui évite toute lassitude. Je m’arrête à Berg, après 156km et +1’690m de dénivelé, et je me rends compte que les étapes prévues sont bien longues… disons que vu la variété des terrains, je n’avance pas à la moyenne escomptée… et en fin de journée, eh bien comment dire, “y a assez”…
Etape 3 – Berg-Weissenburg im Bayern 156km / +863m
J’entame mon 3ème jour, sous un ciel hésitant, entre le soleil qui essaie de percer les nuages, frisant l’horizon, et cette chape grise qui flotte sur les champs, rendant l’atmosphère étrangement jaunâtre, mais magnifique.
Premier arrêt dans la ville de Ulm, où les vieilles maisons à colombages du quartier des Pêcheurs ne semblent tenir debout que par miracle, sur le bord des canaux. Je vais me ravitailler dans la vieille ville près de la cathédrale du XIVème siècle. Je passe devant l’hôtel de ville, dont les façades sont joliment peintes de fresques, avant de quitter la ville par la Tour des Bouchers, pour rejoindre les rives du Danube
Et c’est parti pour de longs kilomètres sur les rives de ce fleuve paisible, sur d’agréables routes en gravier, jalonnées tous les km de grands panneaux indiquant un chiffre, dont je finis par déduire qu’il représente le nombre de km jusqu’à l’embouchure du fleuve dans la Mer Noire (2553, par exemple)…
Je m’arrête manger à Lauingen, sur un banc, mais sans m’attarder, car il commence à faire frais. Je reprends ma route, pour encore quelques kilomètres le long du Danube, avant de m’engager dans la forêt, puis à travers champs, puis en forêt à nouveau, etc, jusqu’à la très jolie ville médiévale de Weissenburg-im-Bayern, que j’atteins sous la pluie, et juste avant la nuit, après 156km et 7h40 de pédalage…
Etape 4 – Weissenburg im Bayern-Bamberg 140km / +506m
Je quitte la ville par l’imposante Ellinger Tor, et je me retrouve rapidement dans une immense forêt de grands sapins maigres, biens droits, qui semblent s’étirer vers la lumière, puisque seule leur moitié supérieure a des branches et un peu de verdure. Les routes forestières sont assez roulantes, et me mènent sur les rives du canal reliant le Danube et le Main.
J’arrive peu avant midi à Nüremberg, par le sud, et l’immense espace et “stade” qui servait aux fameux rassemblements nazis. La tribune principale, tribune Zeppelin, est encore debout, et on peut y monter. C’est le seul vestige, mais on y sent tout le poids de l’histoire, les images qu’on a tant vues de ce dictateur haranguant les foules ressurgissent, et j’ai clairement l’impression que la température baisse de plusieurs degrés… C’est impressionnant, glaçant, d’être là, de pouvoir, ce que je me refuse, marcher sur les mêmes dalles, s’installer à la même tribune, sur la même estrade, juste là… Je passe également près du gigantesque bâtiment inachevé de ce qui devait devenir la grande halle des congrès pour les nazis, avant de rejoindre le centre-ville. Je ne parviens pas à me réchauffer après cette pause “historique”, je me ravitaille dans une boulangerie, rapidement, car le temps a encore une fois filé très vite, et je rejoins le Musée du Procès de Nuremberg, à savoir le bâtiment même où cela s’est déroulé… Et je découvre avec déception qu’il est fermé le mardi (oui, je suis assez débile pour ne pas avoir vérifié ça lorsque j’ai planifié de passer par cette ville dans ce but)…
La pluie devient sérieuse, et je me cache sous un porche pour m’équiper correctement pour l’après-midi, que je passe presque entièrement sur les digues du canal Danube-Main, sous la pluie.
J’arrive détrempé dans la belle ville médiévale de Bamberg, mais vu la température et la nuit qui tombe, je n’en profite pas vraiment. 140km au compteur, et si je m’étais encore arrêté 1h ou 2 au musée, je serais clairement arrivé dans la nuit…
Etape 5 – Bamberg-Erfurt 152km / +1’703m
Le lendemain la pluie a cessé, mais c’est sous un ciel très gris que je pédale jusqu’à Coburg, encore une très jolie petite ville médiévale. Je m’y arrête pour me ravitailler et pour m’acheter une crème dans une très vieille et belle pharmacie, car mon talon d’achille commence vraiment à me faire beaucoup souffrir.
J’atteins bientôt l’ancienne frontière entre les 2 Allemagne, pour reprendre un coup d’histoire en pleine figure… A travers la forêt, le no-man’s land est encore bien visible, comme une large cicatrice, longée par une route de caillebotis de béton, que les Vopos arpentaient jour et nuit, pour empêcher toute évasion du paradis communiste. Cette route est le seul vestige, avec un petit bout de mur, de cette frontière autrefois infranchissable de barbelés, de murs et de champs de mines. J’avance péniblement sur ce béton troué, car tout a été rendu à la nature, l’idée étant de ne pas intervenir sur cette frontière, et de laisser la nature réunir lentement les 2 Allemagne, et cicatriser ce passé à la fois si loin et si proche…
Après une dizaine de kilomètres assez pénibles sur ce “chemin de ronde”, je m’arrête à un ancien point de passage entre la Bavière et la Thuringe, en bord route, et je pique-nique au pied de la tour qui contrôlait la frontière à Eisfeld-Rottenbach, où sont exposées quelques anciennes photos des lieux, dont l’atmosphère était en effet extrêmement différente à l’époque…
Et me voilà donc en Allemagne de l’Est. Je traverse des petits villages et des forêts, qui semblent me mener un peu en altitude. Je traverse Masserberg, un petit village de maisons aux façades tuilées de bois anthracite, qui donne l’impression d’être une petite station, mais totalement désert, comme la plupart des villages que je traverse, et où je constate une nouvelle fois que s’il y a systématiquement des distributeurs de cigarettes, il n’y a que très rarement des fontaines et de l’eau potable…
En redescendant, je passe près d’hôtels ou de colonies abandonnées, mais pas le temps de m’arrêter pour faire un peu d’exploration urbex.
Je passe la fin de l’après-midi sous la pluie, jusqu’à rejoindre la ville d’Erfurt, que j’atteins à nouveau juste avant la tombée de la nuit, le vélo dégoulinant de boue, avec 152km et plus de 1700m de dénivelé dans les jambes…
Etape 6 – Erfurt-Dessau 161km / +1’244m
Je quitte Erfurt à peine le jour levé, car la journée s’annonce longue. Après une quinzaine de kilomètres, j’escalade une colline boisée pour atteindre le site du camp de concentration de Buchenwald. Je vois d’abord les restes des fondations des casernes des SS, puis après avoir traversé le grand parking, voilà les rails, et la rampe de déchargement des trains. L’atmosphère est étrange, malaisante. Un peu plus bas, j’atteins l’entrée du camp, le bâtiment qui en forme le portail, duquel part la clôture barbelée dans les 2 directions. Passé le portail, c’est une grande étendue vide, en légère pente, là où se trouvaient tous les baraquements. Jamais un vide ne m’a paru aussi présent. C’est glaçant, au sens propre comme au figuré, je suis certain que ce n’est pas psychologique, la température a réellement baissé. Seuls restent quelques panneaux explicatifs, la clôture barbelée, ses poteaux de béton, et des miradors dans les coins. Dans un coin reste également le bâtiment du crématoire, que je ne vais pas voir, me sentant assez glacé comme ça. Je ressors, et longe la clôture dans la forêt. Cà et là un mirador. C’est immense… puis je traverse le cimetière des prisonniers russes, dans cette forêt sombre, symbolisé par des dizaines de poteaux métalliques gris, plantés parmi les arbres. Et rien d’autre. La forêt, le silence, le métal froid et gris. Très étrange et prenant. Je descends à travers cette forêt, pour quitter cette colline qui a hébergé tant de souffrances.
C’est avec soulagement que je rejoins la plaine, quitte la forêt et retrouve l’atmosphère moins étouffante des champs et de la campagne. J’ai besoin de me défouler un peu, et je fonce sur le goudron d’une petite route qui longe la ligne de chemin de fer, comme pour fuir, mais plus pour évacuer un peu…
Puis je retrouve la forêt, je dois pousser dans quelques sentiers étroits et boueux, fais une courte pause dans une boulangerie, avant de passer par Halle, sous la pluie.
Je m’équipe, et je continue pour encore 50km, jusqu’à Dessau… à 160km de mon point de départ, après plus de 8h de vélo… J’ai clairement planifié des étapes beaucoup trop longues, et je finis chaque jour autant lassé que fatigué…
Etape 7 Dessau-Berlin 135km / +660m
Je m’élance dans ma dernière étape, sous le brouillard, et après avoir traversé l’Elbe, me voilà dans les forêts de Saxe, toujours aussi majestueuses et humides. A Beilitz, je traverse un ensemble de vieux hôpitaux abandonnés, paradis des amateurs d’urbex, mais je n’ai pas le temps de m’y attarder, et de toute façon cela semble très barricadé.
De longues forêts m’amènent jusqu’à Potsdam où je franchis mon 1000ème km. Je passe ensuite dans le parc de la villa Cecilienhof où les Alliés se sont partagé l’Europe à la fin de la guerre, scellant ainsi également le début de la guerre froide. Je mange un sandwich en marchant dans ce parc que Staline, Churchill et Truman ont sûrement arpenté, en fumant, accompagnés de leurs aides de camp.
Je franchis ensuite le pont de Glienick, qui marquait la frontière occidentale de Berlin-Ouest avec l’Allemagne de l’Est, et sur lequel se faisaient les fameux échanges de prisonniers et d’espions… Les roues dans l’Histoire, encore…
Puis je traverse l’immense forêt de Grünewald, en banlieue de Berlin, théâtre d’âpres combats à la fin de la guerre, avant de parcourir 20km en ville, pour rejoindre le centre de la tentaculaire capitale allemande.
Je passe devant l’Eglise du souvenir, puis longe le mémorial des victimes de la Shoah, avant de rejoindre l’Avenue Unter den Linden, que je remonte brièvement jusqu’à la Porte de Brandebourg, puis c’est le Reichstag, ligne d’arrivée symbolique, après ces autres lieux emblématiques de l’histoire du XXème siècle. Wow…
1’040km tout pile d’une des capitales les plus paisibles du monde, jusqu’à celle qui a probablement été la plus tourmentée et malmenée dans l’histoire récente… Une belle et difficile aventure, avec des étapes beaucoup trop ambitieuses…
Le lendemain je me baladerai encore à travers Berlin pour une boucle touristique d’une trentaine de kilomètres, qui verra ma seule crevaison du voyage, sur les pistes de l’aéroport désaffecté de Tempelhof… on peut difficilement faire plus original… avant de me rasseoir à nouveau, pour faire le chemin inverse, mais de manière beaucoup plus rapide, grâce au train…
Danke schön…
______
Un biketrip pédalé du 21 au 27 octobre 2023, sur un Merida Silex700
1’040km / +7474m – 148.5km/jour
(si l’itinéraire et les étapes t’intéressent, c’est par là : Bern Berlin gravel1000 collection komoot)
et une vidéo de ce que j’ai eu devant moi chaque 10km, sans aucune tricherie, donc en 104 secondes, c’est ici
****Ton biketrip personnalisé, clés en mains, pour presque rien
Et si tu es intéressé de recevoir un proposition de bike-trip personnalisé, selon tes envies et ton niveau, on te prépare ça avec plaisir, avec notre passion des cartes et de la planification. On t’explique tout ici.
__________________** mon instabike : @urbirunbike **
Pour d’autres présentations de parcours, de biketrips, ou d’autre articles « bike »