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Berne-Berlin, 1000km en gravel

Pourquoi je suis rentré en train après 1’000km à travers l’his­toire tour­men­tée du XXème siècle, où j’ai aussi décou­vert qu’il est plus facile d’ache­ter des clopes que de trou­ver de l’eau…

(si l’iti­né­raire et les étapes t’in­té­ressent, c’est par là : Bern Berlin gravel1000 collec­tion komoot)

Gale­rie photo en fin d’ar­ticle / et une vidéo de ce que j’ai eu devant moi chaque 10km, sans aucune triche­rie, donc en 104 secondes, c’est ici
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Parce que je ne sais pas encore démon­ter le vélo pour le mettre dans l’avion… voilà pourquoi j’ai joué sur Google Earth cet automne, pour partir à 1’000km de chez moi, mais pouvoir rentrer en train… 

Il s’est avéré que Berlin était une candi­date inté­res­sante, depuis Berne… car je connais déjà bien l’iti­né­raire entre la maison et la capi­tale suisse, et parce que Bern-Berlin, BerBer, ça sonnait pas mal et ça faisait presque pile les 1’000km recher­chés…

Un samedi matin, je monte donc dans le train direc­tion le Palais fédé­ral, depuis lequel j’al­lais rejoindre le Reichs­tag en 7 étapes, en mode léger, nuits à l’hô­tel, ravito en chemin.

Et c’était parti, dans la grisaille, avec ce petit vertige déli­cieux face à 1000km de chemins incon­nus, de routes à décou­vrir, de sentiers à explo­rer, où chaque virage offrira une nouvelle pers­pec­tive, un nouveau paysage.

Etape 1 – Bern-Klett­gau/Erzin­gen 140km / +807m 

La première étape me mène à travers la moitié de la Suisse, jusqu’à fran­chir le Rhin à Bad Zurzach et me poser en Alle­magne à Klett­gau, après 140km, et juste avant la pluie. En chemin, je passe par le char­mant village de Wangen an der Aare, je découvre la vieille ville d’Olten et son vieux pont de bois, et longe les rives de l’Aar, pour une agréable mise en bouche, alter­nant forêts et campagnes. 


Etape 2 – Erzin­gen-Berg 156km / +1’691m

Le lende­main, je démarre dans un brouillard si épais que je ne sais presque pas si j’avance ou si je recule. Heureu­se­ment, je me retrouve rapi­de­ment en forêt, ce qui allège cette sensa­tion oppres­sante. Petit passage près des Chutes du Rhin, que j’en­tends mais ne vois pas du tout, pour un bref retour en Suisse, à travers le canton de Schaff­house

Une fois la fron­tière alle­mande à nouveau fran­chie, le brouillard se lève, et j’avance à travers champs sur de très agréables chemins de gravier. Quelques montées un peu piquantes me mènent jusqu’à la petite ville de Engen, où je me ravi­taille dans une boulan­ge­rie.

Je pique-nique au soleil, contre la chaleur d’une cabane de chasse, au milieu d’une forêt de hauts sapins longi­lignes. Le reste de la jour­née je pédale au soleil, en passant de champs en forêts, de chemins gravel à de petites routes de campagne, ce qui évite toute lassi­tude. Je m’ar­rête à Berg, après 156km et +1’690m de déni­velé, et je me rends compte que les étapes prévues sont bien longues… disons que vu la variété des terrains, je n’avance pas à la moyenne escomp­tée… et en fin de jour­née, eh bien comment dire, “y a assez”…


Etape 3 – Berg-Weis­sen­burg im Bayern 156km / +863m

J’en­tame mon 3ème jour, sous un ciel hési­tant, entre le soleil qui essaie de percer les nuages, frisant l’ho­ri­zon, et cette chape grise qui flotte sur les champs, rendant l’at­mo­sphère étran­ge­ment jaunâtre, mais magni­fique.

Premier arrêt dans la ville de Ulm, où les vieilles maisons à colom­bages du quar­tier des Pêcheurs ne semblent tenir debout que par miracle, sur le bord des canaux. Je vais me ravi­tailler dans la vieille ville près de la cathé­drale du XIVème siècle. Je passe devant l’hô­tel de ville, dont les façades sont joli­ment peintes de fresques, avant de quit­ter la ville par la Tour des Bouchers, pour rejoindre les rives du Danube

Et c’est parti pour de longs kilo­mètres sur les rives de ce fleuve paisible, sur d’agréables routes en gravier, jalon­nées tous les km de grands panneaux indiquant un chiffre, dont je finis par déduire qu’il repré­sente le nombre de km jusqu’à l’em­bou­chure du fleuve dans la Mer Noire (2553, par exemple)…

Je m’ar­rête manger à Lauin­gen, sur un banc, mais sans m’at­tar­der, car il commence à faire frais. Je reprends ma route, pour encore quelques kilo­mètres le long du Danube, avant de m’en­ga­ger dans la forêt, puis à travers champs, puis en forêt à nouveau, etc, jusqu’à la très jolie ville médié­vale de Weis­sen­burg-im-Bayern, que j’at­teins sous la pluie, et juste avant la nuit, après 156km et 7h40 de péda­la­ge…


Etape 4 – Weis­sen­burg im Bayern-Bamberg 140km / +506m

Je quitte la ville par l’im­po­sante Ellin­ger Tor, et je me retrouve rapi­de­ment dans une immense forêt de grands sapins maigres, biens droits, qui semblent s’éti­rer vers la lumière, puisque seule leur moitié supé­rieure a des branches et un peu de verdure. Les routes fores­tières sont assez roulantes, et me mènent sur les rives du canal reliant le Danube et le Main.

J’ar­rive peu avant midi à Nürem­berg, par le sud, et l’im­mense espace et “stade” qui servait aux fameux rassem­ble­ments nazis. La tribune prin­ci­pale, tribune Zeppe­lin, est encore debout, et on peut y monter. C’est le seul vestige, mais on y sent tout le poids de l’his­toire, les images qu’on a tant vues de ce dicta­teur haran­guant les foules ressur­gissent, et j’ai clai­re­ment l’im­pres­sion que la tempé­ra­ture baisse de plusieurs degrés… C’est impres­sion­nant, glaçant, d’être là, de pouvoir, ce que je me refuse, marcher sur les mêmes dalles, s’ins­tal­ler à la même tribune, sur la même estrade, juste là… Je passe égale­ment près du gigan­tesque bâti­ment inachevé de ce qui devait deve­nir la grande halle des congrès pour les nazis, avant de rejoindre le centre-ville. Je ne parviens pas à me réchauf­fer après cette pause “histo­rique”, je me ravi­taille dans une boulan­ge­rie, rapi­de­ment, car le temps a encore une fois filé très vite, et je rejoins le Musée du Procès de Nurem­berg, à savoir le bâti­ment même où cela s’est dérou­lé… Et je découvre avec décep­tion qu’il est fermé le mardi (oui, je suis assez débile pour ne pas avoir véri­fié ça lorsque j’ai plani­fié de passer par cette ville dans ce but)… 

La pluie devient sérieuse, et je me cache sous un porche pour m’équi­per correc­te­ment pour l’après-midi, que je passe presque entiè­re­ment sur les digues du canal Danube-Main, sous la pluie.

J’ar­rive détrempé dans la belle ville médié­vale de Bamberg, mais vu la tempé­ra­ture et la nuit qui tombe, je n’en profite pas vrai­ment. 140km au comp­teur, et si je m’étais encore arrêté 1h ou 2 au musée, je serais clai­re­ment arrivé dans la nuit…


Etape 5 – Bamberg-Erfurt 152km / +1’703m

Le lende­main la pluie a cessé, mais c’est sous un ciel très gris que je pédale jusqu’à Coburg, encore une très jolie petite ville médié­vale. Je m’y arrête pour me ravi­tailler et pour m’ache­ter une crème dans une très vieille et belle phar­ma­cie, car mon talon d’achille commence vrai­ment à me faire beau­coup souf­frir.

J’at­teins bien­tôt l’an­cienne fron­tière entre les 2 Alle­magne, pour reprendre un coup d’his­toire en pleine figu­re… A travers la forêt, le no-man’s land est encore bien visible, comme une large cica­trice, longée par une route de caille­bo­tis de béton, que les Vopos arpen­taient jour et nuit, pour empê­cher toute évasion du para­dis commu­niste. Cette route est le seul vestige, avec un petit bout de mur, de cette fron­tière autre­fois infran­chis­sable de barbe­lés, de murs et de champs de mines. J’avance péni­ble­ment sur ce béton troué, car tout a été rendu à la nature, l’idée étant de ne pas inter­ve­nir sur cette fron­tière, et de lais­ser la nature réunir lente­ment les 2 Alle­magne, et cica­tri­ser ce passé à la fois si loin et si proche…

Après une dizaine de kilo­mètres assez pénibles sur ce “chemin de ronde”, je m’ar­rête à un ancien point de passage entre la Bavière et la Thuringe, en bord route, et je pique-nique au pied de la tour qui contrô­lait la fron­tière à Eisfeld-Rotten­bach, où sont expo­sées quelques anciennes photos des lieux, dont l’at­mo­sphère était en effet extrê­me­ment diffé­rente à l’époque…

Et me voilà donc en Alle­magne de l’Est. Je traverse des petits villages et des forêts, qui semblent me mener un peu en alti­tude. Je traverse Masser­berg, un petit village de maisons aux façades tuilées de bois anthra­cite, qui donne l’im­pres­sion d’être une petite station, mais tota­le­ment désert, comme la plupart des villages que je traverse, et où je constate une nouvelle fois que s’il y a systé­ma­tique­ment des distri­bu­teurs de ciga­rettes, il n’y a que très rare­ment des fontaines et de l’eau pota­ble…

En redes­cen­dant, je passe près d’hôtels ou de colo­nies aban­don­nées, mais pas le temps de m’ar­rê­ter pour faire un peu d’ex­plo­ra­tion urbex. 

Je passe la fin de l’après-midi sous la pluie, jusqu’à rejoindre la ville d’Er­furt, que j’at­teins à nouveau juste avant la tombée de la nuit, le vélo dégou­li­nant de boue, avec 152km et plus de 1700m de déni­velé dans les jambes…


Etape 6 – Erfurt-Dessau 161km / +1’244m

Je quitte Erfurt à peine le jour levé, car la jour­née s’an­nonce longue. Après une quin­zaine de kilo­mètres, j’es­ca­lade une colline boisée pour atteindre le site du camp de concen­tra­tion de Buchen­wald. Je vois d’abord les restes des fonda­tions des casernes des SS, puis après avoir traversé le grand parking, voilà les rails, et la rampe de déchar­ge­ment des trains. L’at­mo­sphère est étrange, malai­sante. Un peu plus bas, j’at­teins l’en­trée du camp, le bâti­ment qui en forme le portail, duquel part la clôture barbe­lée dans les 2 direc­tions. Passé le portail, c’est une grande éten­due vide, en légère pente, là où se trou­vaient tous les baraque­ments. Jamais un vide ne m’a paru aussi présent. C’est glaçant, au sens propre comme au figuré, je suis certain que ce n’est pas psycho­lo­gique, la tempé­ra­ture a réel­le­ment baissé. Seuls restent quelques panneaux expli­ca­tifs, la clôture barbe­lée, ses poteaux de béton, et des mira­dors dans les coins. Dans un coin reste égale­ment le bâti­ment du créma­toire, que je ne vais pas voir, me sentant assez glacé comme ça. Je ressors, et longe la clôture dans la forêt. Cà et là un mira­dor. C’est immen­se… puis je traverse le cime­tière des prison­niers russes, dans cette forêt sombre, symbo­lisé par des dizaines de poteaux métal­liques gris, plan­tés parmi les arbres. Et rien d’autre. La forêt, le silence, le métal froid et gris. Très étrange et prenant. Je descends à travers cette forêt, pour quit­ter cette colline qui a hébergé tant de souf­frances.

C’est avec soula­ge­ment que je rejoins la plaine, quitte la forêt et retrouve l’at­mo­sphère moins étouf­fante des champs et de la campagne. J’ai besoin de me défou­ler un peu, et je fonce sur le goudron d’une petite route qui longe la ligne de chemin de fer, comme pour fuir, mais plus pour évacuer un peu…

Puis je retrouve la forêt, je dois pous­ser dans quelques sentiers étroits et boueux, fais une courte pause dans une boulan­ge­rie, avant de passer par Halle, sous la pluie.

Je m’équipe, et je conti­nue pour encore 50km, jusqu’à Dessau… à 160km de mon point de départ, après plus de 8h de vélo… J’ai clai­re­ment plani­fié des étapes beau­coup trop longues, et je finis chaque jour autant lassé que fati­gué


Etape 7 Dessau-Berlin 135km / +660m

Je m’élance dans ma dernière étape, sous le brouillard, et après avoir traversé l’Elbe, me voilà dans les forêts de Saxe, toujours aussi majes­tueuses et humides. A Beilitz, je traverse un ensemble de vieux hôpi­taux aban­don­nés, para­dis des amateurs d’ur­bex, mais je n’ai pas le temps de m’y attar­der, et de toute façon cela semble très barri­cadé.

De longues forêts m’amènent jusqu’à Pots­dam où je fran­chis mon 1000ème km. Je passe ensuite dans le parc de la villa Ceci­lien­hof où les Alliés se sont partagé l’Eu­rope à la fin de la guerre, scel­lant ainsi égale­ment le début de la guerre froide. Je mange un sand­wich en marchant dans ce parc que Staline, Chur­chill et Truman ont sûre­ment arpenté, en fumant, accom­pa­gnés de leurs aides de camp.

Je fran­chis ensuite le pont de Glie­nick, qui marquait la fron­tière occi­den­tale de Berlin-Ouest avec l’Al­le­magne de l’Est, et sur lequel se faisaient les fameux échanges de prison­niers et d’es­pions… Les roues dans l’His­toire, enco­re… 

Puis je traverse l’im­mense forêt de Grüne­wald, en banlieue de Berlin, théâtre d’âpres combats à la fin de la guerre, avant de parcou­rir 20km en ville, pour rejoindre le centre de la tenta­cu­laire capi­tale alle­mande

Je passe devant l’Eglise du souve­nir, puis longe le mémo­rial des victimes de la Shoah, avant de rejoindre l’Avenue Unter den Linden, que je remonte briè­ve­ment jusqu’à la Porte de Bran­de­bourg, puis c’est le Reichs­tag, ligne d’ar­ri­vée symbo­lique, après ces autres lieux emblé­ma­tiques de l’his­toire du XXème siècle. Wow… 

1’040km tout pile d’une des capi­tales les plus paisibles du monde, jusqu’à celle qui a proba­ble­ment été la plus tour­men­tée et malme­née dans l’his­toire récente… Une belle et diffi­cile aven­ture, avec des étapes beau­coup trop ambi­tieuses

Le lende­main je me bala­de­rai encore à travers Berlin pour une boucle touris­tique d’une tren­taine de kilo­mètres, qui verra ma seule crevai­son du voyage, sur les pistes de l’aé­ro­port désaf­fecté de Tempel­hof… on peut diffi­ci­le­ment faire plus origi­nal… avant de me rasseoir à nouveau, pour faire le chemin inverse, mais de manière beau­coup plus rapide, grâce au train… 

Danke schön…

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Un bike­trip pédalé du 21 au 27 octobre 2023, sur un Merida Silex700

1’040km / +7474m – 148.5km/jour

(si l’iti­né­raire et les étapes t’in­té­ressent, c’est par là : Bern Berlin gravel1000 collec­tion komoot)
et une vidéo de ce que j’ai eu devant moi chaque 10km, sans aucune triche­rie, donc en 104 secondes, c’est ici

****­Ton bike­trip person­na­lisé, clés en mains, pour presque rien
Et si tu es inté­ressé de rece­voir un propo­si­tion de bike-trip person­na­lisé, selon tes envies et ton niveau, on te prépare ça avec plai­sir, avec notre passion des cartes et de la plani­fi­ca­tion. On t’ex­plique tout ici.
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