Trail (français) / 16/08/2020
Trail / 16/08/2020
Hardergrat Trail
Ou comment courir sur le fil du rasoir…
L’arète de l’Hardergrat (ou Brienzergrat) me tentait depuis quelque temps, par son paysage à couper (rasoir, couper… humour… ok je sors) le souffle, dont je me demandais comment je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à cette année…
Après avoir trouvé en Christophe “Popov” le compagnon idéal pour cette sortie, c’est parti par un beau matin d’août…
Deux heures de train à travers les magnifiques paysages du Valais et de l’Oberland bernois, en traversant les Alpes par le tunnel du Lötschberg, et nous voilà arrivés à Interlaken. Sacs avec affaires sèches casées au vestaire (enfin, à la consigne de la gare), et vers 8h45, c’est parti…
Mise en jambes de 2km plus ou moins plats, le long de la courte rivière qui coule entre les Lacs de Brienz et de Thoune, à Interlaken, dont les fondateurs ne se sont vraiment pas foulés pour trouver un nom.
Première montée, régulière mais raide, dans la fraîcheur de la forêt. Juste un poil trop de pentue pour courir, mais en 50 minutes on rejoint le Harderkulm, environ 760m plus haut. Ca démarre bien, on kiffe. La plateforme “spécial touriste” (qu’on peut atteindre aussi en train, en 10 minutes, pour la moitié du prix d’une seule chaussure de running), n’est encore pas trop bondée en ce début de matinée. Mais malgré nos efforts, on n’est pas récompensés par la vue sur les 2 lacs depuis ce promontoire situé à 1322m, puisque la brume recouvre encore le paysage.
On continue donc à travers la forêt. La pente est un peu moins raide, mais le sentier est couvert de racines glissantes. On n’avance pas vite, et Popov suggère une première pause “essorage” à Hardergrat 1578m, 1010m plus haut que notre point de départ.
Il presse au moins 6 litres de sueur hors de ses habits (quand il court, il pourrait irriger le Sahara si c’était pas de l’eau salée, mais chht), et c’est donc allégé de 6kg (pour lui) qu’on continue, maintenant sur l’arête, mais toujours dans les arbres. On avance vraiment pas vite à cause de l’étroitesse du sentier, et des racines et cailloux qui s’entremêlent. C’est beaucoup plus long que ce à quoi on s’attendait (en temps et en distance) pour sortir de la forêt, et enfin profiter du paysage qu’offre l’arête.
Mais après 2h d’efforts, nous y voilà enfin, dans l’alpage, avec à notre droite le bleu turquoise du Lac de Brienz, plus de 1200m plus bas, presque à pic, et à gauche une belle et large vallée alpine verdoyante. Derrière le lac, au deuxième plan, les sommets enneigés de plusieurs des 4000m de Suisse. Une vue grandiose.
On continue à monter sur l’arête, à travers l’alpage, dans un sentier à vaches défoncé et boueux… cela n’arrange pas du tout notre moyenne déjà catastrophique…
Puis c’est la caillasse d’une montée très raide. Je n’ose regarder ni à gauche ni à droite, ni vers le prochain sommet, il y a trop de vide autour de moi… Je fixe la pointe de mes baskets et j’avance, me réjouissant que la visière de ma casquette bien enfoncée me serve en quelque sorte d’oeillières…
Par une succession de petites montées et descentes, toujours sur le fil de la crête, on passe le sommet de Suggiture (2085m), et on finit par atteindre le point culminant de la journée, l’Augstmatthorn (2136m).
Le paysage est toujours aussi sublime : le lac, maintenant plus de 1500m devant nos pieds, plutôt sous nos pieds, avec les sommets enneigés des Alpes bernoises et valaisannes en toile de fond.
On s’offre une petite pause, légèrement en contrebas, pour profiter du panorama. Il est difficile de l’apprécier en courant, tant le sentier demande de l’attention et de la concentration, d’ailleurs on ne court quasiment pas.
Un petit troupeau de bouquetins est là pour nous accueillir et nous féliciter (quoi que peut-être pas, vu combien ils s’en foutent de ces 2 abrutis qui piétinent dans leur assiette).
La descente suivante est raide aussi, je me sens cerné par le vide et je ne suis vraiment pas à l’aise. Je fais quelques tronçons littéralement assis sur les fesses tellement j’ai la trouille, pendant que Popov est à l’aise comme un bouquetin dans un pierrier…
En haut, en bas, en haut, en bas, encore quelques kilomètres, en ne pouvant que très rarement et brièvement trottiner, pour atteindre Blasenhubel, 1965m. Ca ne fait que 16km que l’on essaie d’avancer, que l’on monte et descend, avec presque 1800m de D+ dans les guibolles, et dans la tête, mais on est un peu secs (enfin c’est une image… et on se refait d’ailleurs un petit essorage).
On devrait continuer un peu, mais vu notre fatigue et la technicité du parcours, on ne veut pas prendre de risques (on ne connaît pas l’état du chemin à venir), et on décide de redescendre depuis là…
Mais l’effort est loin d’être fini : la descente est abrupte. Il n’y a plus de vide autour, alors ca va, mais on se tape 1500m de D- en 4km et en 1h… Les cuisses en feu, le mental bien entamé… nous finissons par retrouver enfin la rive du lac, nous réjouissant d’une bière et d’un bon repas…
Mais surprise, il est 14h et tous les (2) restaurants d’Oberried sont fermés… On court (oui on arrive encore, mais bon, faut dire qu’on n’a pas beaucoup couru) jusqu’à la gare, et on attrape de justesse le train de 14h06 pour Interlaken, ce qui nous évite de mourir de faim et de soif devant la porte d’un resto fermé, en attendant le train suivant 1 à 2h plus tard…
Essorage, “toilette du chat”, et changement d’habits dans les WC de la gare d’Interlaken Ost, puis nous pouvons enfin profiter de notre bière, et d’une belle assiette de rösti au lard et au fromage de l’Oberland bernois…
Exténués, on se dit qu’on a pris la bonne décision en nous interrompant à Blasenhubel… mais on est ravis. Un peu frustrés de ne pas avoir pu courir plus, surpris de la technicité du parcours, et de la concentration qu’il demande… Mais clairement le paysage en vaut la peine…
Alors, c’est quand que tu y vas, courir sur le fil du rasoir ?
Interlaken-Ost – Harderkulm – Suggiture – Augsmatthorn – Blasenhubel – Oberried-am-Brienezer-See
21.5km, 1797 D+
NB : nos petits conseils
Eviter absolument d’y aller si c’est humide… il avait plu la veille, et c’était pas terrible… si c’est bien mouillé c’est sûrement impraticable et dangereux…
Pas besoin de bâtons…
Aucun point d’eau…
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