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Genou en croûte

Dans la vie de la plupart des coureurs, il y a l’étape bles­su­re…

Avec parfois opéra­tion, puis physio, patience, impa­tience, nervo­sité, engueu­lades avec l’amou­reuse, physio, impa­tience, risque de divorce, etc…

Il y a quelques jours, j’ai passé la première étape : l’opé­ra­tion.

J’ai donc pris le train la veille, pour aller à la capi­tale de la Suisse, Berne (et non Zürich, Genève, Lausanne, ou Monthey, pour ceux qui savaient pas trop), rencon­trer un top-chef chirur­gien genou­phile, en gros le gros spécia­liste du genou de spor­tif dans le pays : footeux pros, skieurs, cham­pion/nes olym­piques, et plein de mes potes, sont déjà passé par ses couteaux et autres usten­siles.

Je lui ai montré les ingré­dients que j’ai apporté, il a gribouillé 2–3 trucs, puis il m’a présenté son plan et m’a dit :

“Je crois que je vais partir sur une méni­sec­to­mie partielle, par arthro­sco­pie, avec en entrée une anes­thé­sie locale, spinale, genre péri­du­rale, mais ne vous inquié­tez pas, pas d’ac­cou­che­ment en dessert, tout ça sur un lit drapé de mous­se­line blanc crème. Et un peu de glace pour termi­ner.”

Voilà pour le menu.

Donc rendez-vous le lende­main, en cuisine, pour la dégus­ta­tion.

J’y arrive comme demandé à 6h45 en proche banlieue de Berne, mes béquilles de l’an dernier sous le bras…

Je suis accueilli par quelques membres de sa brigade, et on m’ins­talle dans un petit garde-manger privé.

Un commis vient m’ap­por­ter les mises en bouches : un bonbon contre les douleurs, un autre contre les éven­tuelles nausées, et un dernier dragée, qui fait rigo­ler… Le dernier me rassure, car lorsque le chef prévoit des nausées, tu te poses quand même des ques­tions…

Un autre commis m’ap­porte ma tenue de gala (oui, dans ce genre d’éta­blis­se­ment, il y a un dress-code) : petit slip en papier-résille, robe à fleurs ouverte dans le dos, et socquettes blanches.

“Alles muss weg, ganz umklei­den” (euh oui, j’ai pas précisé mais dans les restau­rants de la capi­tale suisse on parle alle­mand, enfin, une sorte d’al­le­mand).

Donc je me umkleide total tiptop, et me voilà en tenue : la grande classe, l’élé­gance à la suisse-alle­mande avec une petite touche sexy…

Un commis revient un peu plus tard, et me fait une grosse croix noire sur le haut du genou gauche. Appa­rem­ment il sélec­tionne les meilleurs morceaux.

Je m’ins­talle sur le lit de mous­se­line et il commence à me rouler. En chemin, je croise d’autres convives, sans savoir quel menu ils ont pris, et plusieurs membres de la brigade.

Arrivé dans la cuisine, on me présente le chef saucier, chargé de prépa­rer l’en­trée, sa fameuse péri­du­rale spinale. Il me demande de lui montrer mon dos, ce que je trouve un peu cava­lier vu ma tenue, mais bon, je le laisse faire. Je ressens quelques petites pres­sions dans le dos, puis des four­mille­ments dans les jambes. Pendant ce temps là, deux commis de cuisine saucent ma jambe avec une sorte d’huile brunâtre, sans doute du balsa­mique.

Et le chef arrive, se présente, tenue verte, calot, masque (la fameuse discré­tion helvé­tique), et répète le menu.

Puis, pour garder tout le secret de son savoir-faire, il dresse un rideau devant mon visa­ge… Le saucier reste près de moi et me met un masque, pour que je ne sente pas les odeurs sans doute, qui seraient trop tentantes.

A droite de mon lit, un écran me permet de regar­der l’émis­sion en direct, et de voir le chef offi­cier… J’hé­site, je ne veux pas me gâcher la surprise, et mais fina­le­ment j’ose…

Je vois une grosse patate ou plutôt deux, qui semblent écra­ser un vieux morceau de filet de cabillaud, tout effi­lo­ché et coin­cé… Avec quelques acces­soires bizarres, le chef retire les morceaux effi­lo­chés. Etran­ge­ment je ne ressens rien, juste quelques mouve­ments, qui me rappellent que c’est pour moi qu’il cuisine. La caméra change d’angle, trouve d’autres morceaux de cabillaud à reti­rer, puis les instru­ments s’éloignent des patates, et le saucier me dit : “Voilà, c’est prêt”.

Le chef passe briè­ve­ment, comme le veut la coutume, et me demande si ça a été.

“Oui, très bien, merci… mais je me réjouis quand même de goûter le résul­tat…”

“Patience Monsieur, patience, pour l’ins­tant on va vous instal­ler en salle de diges­tion”.

On me roule dans une autre pièce, où il y a déjà d’autres convives, dont une dame qui ronfle bruyam­ment.

Là je sens comme un gros beignet très chaud sous ma main… il me faut un moment pour réali­ser que c’est ma cuisse. C’est très étran­ge… Puis sous ma main encore, une espèce de petite saucisse molle que je me demande ce qu’elle fout en dehors du plat… Rien de tout ça ne semble à moi… Je digère pendant une heure envi­ron, le temps qu’on me rende mes cuisses et ma saucisse (dont je recon­nais fina­le­ment être le proprié­taire).

Un ènième commis me roule dans ma chambre, où faute de dessert, je bois du thé, en atten­dant que le chef vienne faire le fanfa­ron et me dire qu’il a trouvé ça parfait, et que je peux rentrer chez moi…

Restera plus qu’à me décou­dre… à m’écou­ter… et à trot­ti­ner à nouveau… bien­tôt… j’es­pè­re…
 

Et pendant ce temps-là, t’en fais pas, on conti­nue de te prépa­rer plein de parcours sympas, et tu as déjà pas mal le choix si tu cliques ici.

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