Running (français) / 15/10/2019
Running / 15/10/2019
Share the run, autour du lac...
1 seul tour, 1 lac, 2 pays, 2 jours & 1 nuit, 213km, 29 relais, 9 mates, 1 bus, 1 nuit blanche,
1 expérience fantastique…
Et un petit film à voir ici, si ça te dit : clic
La RunMate, tu te demandes ce que c’est ? Ben tu prends le plus grand lac d’Europe continentale, et tu en fais le tour. En courant… Dur dur…
Pour simplifier les choses tu peux aussi te trouver des potes, monter une équipe de max 9 coureurs, et te répartir les 29 étapes, pendant que les autres suivent dans un bus…
Et comme on aime les choses simples, nous on a fait ça. Et du coup je te raconte.
AVANT
Alors la première chose à faire c’est de se trouver un capitaine, pour nous Christelle, seule fille du groupe et surtout initiatrice du projet, était une évidence.
C’est ensuite que cela se complique, car il faut organiser des réunions apéros, pour se répartir les différentes étapes de la course histoire que chacun ait un kilométrage plus ou moins équilibré, correspondant à son niveau, et suffisamment de temps de pause entre les runs. Je ne vous cache pas que ce planning a été beaucoup plus rapide à faire que l’apéro en lui-même qui s’est longuement prolongé. Tout comme les pseudos entraînements en groupe les 3 lundis précédant la course, qui étaient plus l’occasion de se retrouver, de courir un peu tous ensemble, et de boire quelques bières (le lundi, ça coupe bien la semaine), que de s’entraîner vraiment…
PENDANT
Le jour J on se rend au départ à Vevey, avec notre magnifique camping-car loué, notre stock d’énergie offert par PEAKPUNK all natural no bullshit inside, et on récupère les dossards, on se fait un petit apéro (certains ne vont pas courir avant 3–4 heures), et on écoute sagement les instructions pendant le briefing.
Le départ est donné vers 15h15, et c’est Alain qui se lance en premier, pour une petite étape de 5,6 km, mais avec un peu de dénivelé.
Le premier relais se passe sans encombre, et on remarque tout de suite que si tout le monde est là pour rigoler, toutes les équipes sont aussi là pour courir, et courir sérieusement.
Alors on s’y met aussi, et les étapes s’enchaînent, malgré parfois des petits problèmes de balisage. Je cours la troisième étape entre Villeneuve et le Bouveret et je traverse le Rhône qui se jette dans le lac, fleuve qu’on retraversera plus tard, au milieu de la nuit, à Genève, l’autre bout de ce lac, qu’il aura traversé dans toute sa longueur.
Je tire un peu trop, comme si je n’avais pas toute la nuit à passer éveillé et à courir, et je termine les 7 km et demi au rythme de 4 minutes 33 par km. Dur. C’est pas vraiment une allure raisonnable au vu de ce qui nous attend.
À Saint-Gingolph, Capitaine Christelle entame le relais 4 et passe la frontière pour entrer en France. Sur ces 10km que l’on craignait le long de la route nationale, coincé entre le lac et la montagne, elle découvre de petits chemins et sentiers, soit au pied de la montagne soit au bord du lac. L’organisation a bien fait les choses à ce niveau-là.
Au relais, sur les quais de Meillerie, on se boit une bière devant toute l’immense étendue du lac, en l’attendant. Et quand elle arrive, dans l’euphorie du moment, Christelle détache sa banane contenant son téléphone, au lieu de détacher la ceinture contenant la balise et le dossard, et du coup Stéphane part avec le téléphone de Christelle au lieu de la balise… Fou-rire général, jusqu’à ce qu’on se dise qu’il faudrait peut-être sprinter pour rattraper notre coureur et lui filer la balise…
Surtout qu’il s’attaque à l’étape avec le plus gros dénivelé, dont une grosse montée qui fait partie d’un des défis intermédiaires de la course.
Alors que le soleil commence à se coucher lentement, on pique-nique au point-relais suivant, dans les hauts de Lugrin, sur une table de ping-pong, en attendant notre coureur. Pain, viande séchée, lard, salami, fromages, … pas le vrai repas de runner, mais on s’en fout… d’ailleurs on trouve que ça manque quand même de vin rouge…
Au relais suivant, à Évian, le ciel devient orange tout à l’ouest, tout là-bas vers ce bout du lac qu’il faut atteindre.
Frontale et gilet de sécurité pour Alain qui prend le premier relais qui va se terminer de nuit. Dans le bus, étrangement la fatigue se fait sentir, et il faut avouer que la consommation de bière diminue un petit peu. Longue attente dans la nuit, à la plage de Thonon. Il devient difficile de s’orienter et Alain s’est un peu perdu, ce qui l’a ralenti. Roberto se lance dans une étape plate, le long du lac, mais sur des sentiers, et des galets, pas évidents à franchir à la frontale sans trop ralentir le rythme.
Puis ce sont David, Stéphane, et Alain qui se succèdent le long de la côte française. Christelle est de plus en plus inquiète à l’idée de prendre son relais, et de savoir qu’elle va se retrouver seule en forêt dans la nuit noire, mais elle y va, et finalement on la retrouvera entière, au relais suivant, soulagée de n’avoir rencontré ni sangliers, ni rôdeurs…
Lionel se perd dans l’étape suivante, se tape 1km de plus que prévu, et repasse la frontière pour entrer à nouveau en Suisse, juste avant de me passer le relais pour l’étape 15. Il y a du vent, il fait froid, il est 0h41, j’ai pas la grosse énergie, et c’est clairement pas des heures où j’ai l’habitude de courir… mais bon, faut y aller, alors on y va…
Quelques champs de maïs, enfin je crois, en légère montée, puis un petit bout de forêt, et je retrouve le bitume, dans les quartiers cossus à l’est de Genève. Je me sens bien, les jambes tournent, c’est parfait, la lassitude est passée…
Les portails de villas se succèdent, et j’ai un bon rythme. En même temps, je n’ai aucun mérite, c’est un faux-plat descend sur toute la 2ème partie de l’étape. Je retrouve le bord du lac à Genève, au Port-Noir, et je passe le relais.
Et le coup de barre du début de soirée est passé chez tout le monde, et on a tous une super pêche… La nuit n’a qu’à bien se tenir, les urbirunners sont là ! !
C’est maintenant à Hervé que revient la tâche primordiale de contourner le lac, et de nous faire reprendre cap à l’est, en prenant le virage principal, en épingle, en retraversant le Rhône, au coeur de Genève.
Au relais, une habitante du quartier distribue cafés et thés aux coureurs, ça fait du bien, un peu de chaud.
Robi s’attaque à l’étape 17, Stéphane, David, et l’autre Stéphane continuent à travers la nuit. Le camping-car suit, personne ne dort vraiment, car entre les trajets et les relais, le coureur qui se prépare, celui qui vient de terminer qui se change et se ravitaille (salades de pâtes, barres énergétiques PEAKPUNK, etc., on n’a pas trop le temps de flâner en fait…
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Je prends mon 3ème relais à Prangins. Il est 4h10 du matin lorsque je m’élance, totalement seul, dès que je quitte le point relais et que les encouragement des mates se perdent dans la nuit noire. Je cours en pleine forêt, sur un tout petit sentier. Heureusement que ma lampe frontale est assez puissante, et que je vois de loin en loin les balises s’illuminer, sinon il ne serait vraiment pas évident de s’orienter. C’est fou de se retrouver là, seul dans la nuit à courir dans des lieux totalement inconnus. D’ailleurs je ne sais pas vraiment où je suis, moi le maniaque des cartes et de l’orientation… C’est même assez grisant. Je traverse quelques villages totalement endormis, un verger, puis à nouveau la forêt. Le silence est total, troublé simplement par le bruit de mes pas et mon souffle. La nuit est complète, et le monde entier se réduit au simple halo de ma frontale. Je vis un run hors du commun et je jouis de chaque instant… Magique.
9.8km plus loin, je passe le relais à Christelle, qui s’élance dans la nuit pour la 2ème fois. Lionel prendra l’étape suivante (et se perdra encore…ou peut-être a-t-il tenté de tricher (les experts se tâtent encore) avant qu’on le remette dans le droit chemin), et on l’attend à Aubonne où un ravitaillement plus consistant est servi, alors que l’obscurité diminue lentement : croissants, thés, cafés, céréales… Ca réchauffe, et l’ambiance est toujours aussi sympa…
non de dju, puisque j’vous dis que j’ai pas voulu tricher…
Stéphane verra le jour se lever doucement, en venant me passer le relais à Morges.
J’ai beaucoup de peine à me motiver à sortir du bus, et mes premiers pas dehors, dans le froid de l’aube, sont plutôt pénibles et raides… Je m’échauffe et m’étire un peu en l’attendant, et tout se décoince…
Ma 4ème et dernière étape est courte, totalement le long du lac, entre Morges et Préverenges. Aucune difficulté, et c’est ma dernière en plus, alors j’en profite : le soleil se lève derrière les Alpes et vient caresser l’immensité du lac à ma droite et devant moi, les couleurs sont sublimes, un moment magnifique.
Je n’arrive pas à mettre toute la vitesse que je voudrais dans ce petit run, mais peu importe, je profite. C’est beau, c’est calme, incroyablement paisible, serein… mais je me réjouis de retrouver les encouragement bruyants de mes mates au prochain relais… après un total personnel de 28km… Et ils sont là, Hervé prêt à prendre la suite, les autres applaudissant et criant sous leurs capuches ou enroulés dans une couverture…
Nous sommes maintenant 4 à en avoir terminé avec nos relais, et c’est l’heure du petit-déj, qui en fait est un apéro : chips et bières avant 8h un dimanche matin ça m’était jamais arrivé. Mais presque rien dans les dernières 15 heures n’était déjà arrivé… C’est un dimanche matin unique, on en profite tous, que ce soit sur la route ou dans le camper…
Le relais suivant passe de Hervé à Robi, sur la piste bleue du stade de Vidy où me reviennent en mémoire les souvenirs bruyants et exaltants des arrivées des 20km de Lausanne dans une belle ambiance festive, bien différente de ce petit matin calme… L’arrivée est encore loin, même si nous avons déjà couru ensemble 187km…
Puis c’est au tour de Stéphane de prendre son dernier relais, tout au bord du lac, qui brille maintenant sous le soleil. C’est ardu pour lui, la chaleur est là maintenant, et il doit grimper dans le vignoble, certes magnifique et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais très pentu, jusqu’à Cully. Il donne tout, et termine exténué, mais des étoiles plein les yeux.
Et c’est David qui part, pour le dernier relais. Long de plus de 12km et mal plat, c’est dur, mais il assure comme un chef.
On l’attend à 2–300m de l’arrivée à Vevey, pour passer la ligne d’arrivée tous ensemble.
Moment génial, la course à pied n’est plus un sport individuel, c’est une vraie équipe qui passe la ligne, qui a relevé le défi, peu importe les temps de chacun, on n’a qu’un seul résultat en tête : on a terminé, on a couru et on a ri. Et ça vaut largement toutes les médailles du monde.
Il nous aura fallu 19h37 pour en terminer. On est très content, 22èmes sur 133 équipes “team” et 35èmes sur 168 au général (qui inclus les ultras, à savoir les équipes de moins de 6).
APRES
Magnifique ambiance dans la village d’arrivée… La fatigue ne se fait pas encore trop sentir, les bières passent bien, le lac est beau, infini, et c’est vraiment difficile de concevoir qu’on vient d’en faire le tour… en courant… et que chaque mètre autour de ce lac a été couru par l’un de nous…
Dans l’après-midi, la fatigue s’impose violemment chez tout le monde, lorsque nous rentrons chez nous, et j’avoue que je n’arrive plus trop à apprécier…
Mais après une bonne et longue nuit de sommeil, les souvenirs reviennent et le plaisir est là. Le plaisir de l’effort partagé, de la solidarité avec presque tous les mates qui sont là à chaque relais pour encourager l’arrivant et le partant, peu importe l’avancée de la nuit, sans compter ces moments uniques et secrets, que chacun a vécu seul et que personne ne peut vraiment raconter, ni partager, dans la nuit, quelque part seul, au rythme de sa foulée…
Chacun à sa façon, tous ensemble…
POUR CONCLURE
Une expérience magique, qui quelques jours après, la fatigue passée, ne laisse finalement que l’envie de recommencer…
Et qui m’a appris des trucs :
*le tour d’un lac c’est pas si plat, les organisateurs ont concocté des étapes très variées, et au final, c’est 2500m de D+ qui y sont passé, entre étapes roulantes, minitrails, forêts, et vignobles escarpés…
*courir seul en forêt en pleine nuit, c’est génial
*qu’on peut passer une nuit entière à côté de Robi sans qu’il ronfle (en même temps, il suffit qu’il ne dorme pas)
*que le même Robi n’a aucune odeur corporelle
*que nous autres oui
*que courir est un sport d’équipe ! Team urbirun, powered by fun and PeakPunk all natural
*qu’à notre âge il est beaucoup plus facile de récupérer de ce genre de nuit blanche que d’une gueule de bois…
PS : et autour de ce lac, il y a des parcours urbirun à Genève, et à Lausanne, n’oublie pas…